vendredi 15 mai 2015

La comtesse de Ségur

Si on évoque le nom de Sophia Fiodorovna Rostoptchina (1799 - 1874), on ne récoltera probablement que des regards incrédules. Mais qu'on donne son nom d'épouse, la comtesse de Ségur, et c'est tout un ensemble de souvenirs d'enfance qui risque de remonter : Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles, Les mémoires d'un âne sont trois classiques de la littérature enfantine, qui font partie des premières lectures de bien des enfants, surtout des filles pour les deux premiers.
La comtesse de Ségur vers 1841, par son fils Louis Gaston de Ségur [domaine public], via Wikimedia Commons
Rien d'étonnant à cela, puisque c'est pour amuser et instruire ses petits-enfants que la comtesse a commencé à écrire ses livres ; elle avait alors la cinquantaine. Son premier ouvrage, intitulé Nouveaux contes de fées pour les petits enfants, est le recueil des contes qu'elle inventait et racontait à ses petites-filles. Leur présence est d'ailleurs tangible, en particulier dans Les petites filles modèles, dont les héroïnes portent les mêmes prénoms que les deux petites-filles de la comtesse, Camille et Madeleine de Malaret. Quant à Sophie des Malheurs de Sophie, c'est tout simplement la comtesse elle-même qui s'inspire de son enfance.
Le thème des châtiments corporels est souvent mis en avant dans les oeuvres de la comtesse de Ségur, mais il est à noter que dans beaucoup de ses ouvrages, les personnages donnant des châtiments corporels sont présentés comme ridicules et détestables, comme Mme Fichini dans Les petites filles modèles ou Mme MacMiche dans Un bon petit diable. Il est probable que la comtesse, qui a souvent été frappée par sa mère dans son enfance, s'en venge ainsi indirectement.
Mme Fichini fouettant Sophie dans Les petites filles modèles - Gravure de Bertall [domaine public], 1927, via Wikimedia Commons
On constate également que les punitions les plus marquantes ne sont pas celles qui font mal physiquement. Ainsi, dans Les Deux Nigauds, les parents de Simplicie et Innocent, lassés d'entendre leurs enfants faire des caprices pour aller à Paris, décident de les punir... en leur accordant leur demande et en les envoyant à Paris, où leur ignorance et leur naïveté les couvriront de ridicule et leur feront très vite regretter leur voyage.
La comtesse n'oublie jamais de donner une dimension éducative à ses histoires, en soulignant les conséquences d'une mauvaise action non seulement pour les autres, mais surtout pour celui ou celle qui la commet et qui en souffre. Cela se retrouve notamment dans Les malheurs de Sophie où la mère de Sophie renonce parfois à la punir car "le bon Dieu vous a déjà punie par la frayeur que vous avez eue". De même, dans Quel amour d'enfant, la capricieuse Giselle agit presque toujours sans se soucier des autres, mais de rares moments de lucidité lui font regretter ses actes, et même souhaiter que ses parents, qui l'ont gâtée et lui ont passé tous ses caprices, l'aient un peu plus punie pour l'aider à réfréner son égoïsme, chose qu'elle ne parvient pas à faire elle-même. Ce n'est que devenue adulte, quand ses caprices sont allés jusqu'à dilapider la fortune de son mari qui finit par la chasser, qu'elle parvient enfin à se corriger en comprenant qu'elle est allée beaucoup trop loin.
Bien sûr, les livres de la comtesse de Ségur présentent un monde idéalisé, où par une sorte de justice divine, les méchants finissent toujours par être punis et une mauvaise action n'est jamais récompensée sur le long terme. Sous un regard contemporain, ils peuvent paraître moralisateurs, mais c'était le ton des ouvrages pour enfants de l'époque, et ils restent une lecture agréable et intéressante à mettre entre toutes les mains.

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