J'ai vu passer, à l'occasion d'articles dans la presse littéraire, des auteurs (souvent de bords politiques qu'il paraît qu'il ne faut pas évoquer de peur de friser le point Godwin) ayant vu la sortie de leur livre boycottée, et qui s'insurgent au nom de la liberté d'expression. Le pire étant que certains articles, consciemment ou non, sont présentés de manière à laisser entendre que leur requête est légitime.
Alors qu'en réalité...
Cette BD de l'excellent site xkcd résume bien ce que la liberté d'expression couvre et ne couvre pas : https://xkcd.com/1357/.
Je traduis : "Annonce d'intérêt public : Le droit à la liberté d'expression signifie que le gouvernement ne peut pas vous arrêter pour ce que vous dites. Il ne signifie pas que quelqu'un d'autre doit écouter vos c... ou vous aider à les partager. Le 1er amendement (celui qui garantit la liberté d'expression aux États-Unis, ndt) ne vous protège pas des critiques ou des conséquences de vos paroles. Si on vous crie dessus, si on vous boycotte, si on annule votre spectacle ou si on vous bannit d'une communauté Internet, vos droits à la liberté d'expression ne sont pas bafoués. C'est juste que les gens qui vous écoutent pensent que vous êtes un c... et qu'ils vous demandent de sortir."
Certains jouent la carte de la pseudo-liberté d'expression plus subtilement, en disant qu'on n'empêche pas les idées nauséabondes en les muselant. Sans doute pas. Mais leur donner complaisamment une tribune n'est pas non plus la meilleure stratégie.
Donc : non, boycotter un livre n'est pas une atteinte à la liberté d'expression. L'auteur l'a écrit, il l'a publié, tout cela sans problème, il a déjà eu plus l'occasion de s'exprimer que bien des gens. Demandez-vous plutôt pourquoi on appelle à boycotter des livres de certains bords : tout simplement parce que beaucoup de personnes en ont assez de voir ces idées s'étaler à longueur de temps dans les médias tandis que leurs auteurs se plaignent d'être censurés alors qu'en réalité on leur déroule le tapis rouge, qu'ils ont envie de dépenser leur argent dans tout sauf dans ça, et qu'ils savent que si tout le monde en faisait autant, il y aurait moins de haine dans le monde.
Face à un appel au boycott, la meilleure solution reste le silence. Si l'appel n'était pas justifié, il attirera l'attention sur le livre et augmentera ses ventes. Et s'il l'était... il serait dommage de s'y opposer pour de mauvaises raisons.
Après tout, on ne demande pas de brûler des livres, contrairement à certains... Gravure attribuée à P. Cousturier, 1885 [Domaine public]. |
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