Je ne connaissais jusque-là de Neil Gaiman que l'excellent roman graphique Sandman, mais je savais qu'il était aussi l'auteur de bien d'autres romans et même d'au moins un scénario d'épisode de Doctor Who (Nightmare in Silver, ou en français Le Cyberplanificateur). Et à force de le suivre sur Twitter, j'ai entendu parler de l'adaptation en mini-série de Good Omens (alias De bons présages en français) co-écrit avec le célèbre auteur du Disque-Monde Terry Pratchett, et j'ai également appris l'existence de Neverwhere qui a suivi exactement le chemin inverse : mini-série à l'origine, c'est devenu ensuite un roman.
Autre "effet miroir" étonnant entre ces deux œuvres : dans la série Neverwhere, Peter Capaldi (qui a joué par la suite le Douzième Docteur) incarnait un ange déchu, tandis que dans l'adaptation de De bons présages, c'est David Tennant (l'ancien Dixième Docteur) qui doit incarner un autre ange déchu. J'ai donc acheté les deux livres, mais c'est Neverwhere que j'ai lu en premier.
Dans le plus pur style de Neil Gaiman, c'est un voyage aux aspects oniriques qui nous est proposé ici. L'idée de base est que sous la ville de Londres se trouve un "Londres d'En-Bas" (London Below), peuplé de rats intelligents, de mendiants qui leur parlent, et de toutes sortes de personnages hauts en couleurs et de créatures fantastiques. Les lieux et les habitants du "Londres d'En-Bas" sont souvent des reflets déformés ou des interprétations littérales des stations de métro de Londres, et là, la traduction française dresse une petite barrière pour certains d'entre eux là où le passage de l'un à l'autre est immédiat en anglais : par exemple, la station de Blackfriars devient un monastère de Frères Noirs (Black Friars), celle d'Earl's Court la "Cour du Comte" ; quant à celle d'Angel (dont le nom est historiquement celui d'une auberge du 17e siècle) à Islington, elle devient l'Ange Islington (Angel Islington).
Normalement, il n'y a guère de contacts entre le "Londres d'En-Bas" et le "Londres d'En-Haut" car les gens "normaux" ne voient qu'à peine les habitants du "Londres d'En-Bas" même quand ils sont sous leurs yeux, une métaphore du fait que les habitants des villes ne voient souvent pas la misère à leurs pieds. Richard Mayhew, jeune loup de la finance promis à un brillant avenir et fiancé à une jeune femme riche et ambitieuse (même s'il n'est pas évident, dès le début, qu'il y ait vraiment de l'amour là-dedans), est de ces gens "normaux" jusqu'au jour où il sauve la vie de Porte, une jeune femme poursuivie par deux tueurs sadiques. A partir de ce moment, il devient lui aussi une part du "Londres d'En-Bas", et aux yeux de ses anciens amis, c'est comme s'il n'avait jamais existé. Il se joint alors à Porte et au Marquis de Carabas (en français dans le texte, le personnage est inspiré directement du conte du Chat Botté) qui cherchent à retrouver le responsable du massacre de la famille de Porte, des personnages importants du "Londres d'En-Bas" qui possèdent le pouvoir d'ouvrir toutes les portes et tous les objets. Il espère ainsi pouvoir reprendre sa vie d'avant ; du moins, c'est la promesse que lui a faite Islington, un ange qui veille sur le monde souterrain. Mais au-delà du fait que les choses seront plus difficiles que prévu et que certains personnages se révéleront bien différents de ce qu'ils semblent être, Richard va se retrouver confronté à un obstacle qu'il n'avait pas anticipé : désire-t-il réellement reprendre sa vie d'avant bien rangée ?
En effet, au-delà d'un conte onirique qui réinterprète pêle-mêle légendes, histoire de Londres et thèmes connus de la fantasy dans une ville-reflet hors du temps, Neverwhere est à la fois un miroir déformant et un révélateur de la vie quotidienne dans une grande ville déshumanisée, où les jeunes cadres dynamiques de la City comme Richard ont l'ambition de réussir et ne se rendent pas compte qu'ils passent peut-être à côté de la vie. Mais le prix à payer pour vivre une vie plus trépidante est lourd, puisque Richard passe plusieurs fois tout près de la mort, et menace de sombrer dans la folie quand il ne sait plus si le "Londres d'En-Bas" est bien réel ou si ce n'est qu'un délire de sa part. Un peu comme dans Sandman, Neverwhere pose la question de la nécessité d'une "graine de folie" dans l'existence : que devient-on si on a perdu cette dernière parcelle d'imagination et de croyance dans les contes de fées ?
Maintenant que j'ai fini de le lire, il ne me reste plus qu'une chose à faire : trouver le moyen de regarder la série originale (jamais diffusée en France) pour me replonger dans le "Londres d'En-Bas".
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