jeudi 18 janvier 2024

"The Expanse" de James S.A. Corey

Si j'ai eu beaucoup de lectures diverses et variées en 2023, il faut bien dire ce qui est : The Expanse est LA lecture qui m'a occupée pendant une bonne partie de l'année ; symboliquement, j'ai commencé et fini 2023 avec. Pas seulement la lecture, d'ailleurs : en plus des romans et du comic The Expanse: Origins, j'ai aussi regardé toute la série sur Prime Video. J'ai regardé la série avant de lire les livres, ce qui a eu pour conséquence de me faire systématiquement visualiser les personnages des livres avec la tête qu'ils avaient dans la série. Mais ce n'est qu'un inconvénient mineur puisque, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ailleurs, ils n'ont pas casté des thons dans cette série...

Recommandée à l'origine par un ami qui connaît mes goûts (et que je remercie), The Expanse est une série de science-fiction qui se veut "réaliste", du moins au début, puisqu'on est dans un futur pas si lointain, où grâce à des avancées révolutionnaires en matière de propulseurs spatiaux, l'humanité a colonisé à peu près tout le système solaire ; mais il n'est pas encore question de voyages interstellaires. Aux divisions intra-terriennes de notre époque ont succédé une nouvelle répartition des territoires et les nouveaux problèmes qui vont avec : la Terre, unifiée sous l'égide des Nations Unies, est en guerre froide avec Mars, son ancienne colonie désormais indépendante et dirigée par un gouvernement à dominante militaire. Au milieu de tout cela se trouve la Ceinture, qui rassemble la ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter, les lunes de Jupiter et Saturne, et quelques stations scientifiques indépendantes. Officiellement, la plupart des territoires de la Ceinture appartiennent à la Terre ou à Mars, qui considèrent la population ceinturienne comme de la main-d'oeuvre bon marché et corvéable à merci. Pour ne rien arranger, avoir passé toute leur vie en gravité très réduite fait des Ceinturiens des humains à part, démesurément grands et longilignes, dont les os et les muscles fragilisés les empêchent à jamais de vivre sur une planète "normale". Bien décidés à faire entendre leur voix face à la Terre et Mars, ils sont nombreux à rejoindre l'Association des Planètes extérieures ou APE (OPA dans la version originale), un rassemblement indépendantiste qui mène une guérilla plus ou moins ouverte contre les "planètes intérieures".

Au sein de cette situation explosive, un événement va manquer de mettre le feu aux poudres : l'attaque par un vaisseau inconnu, sans raison apparente, d'un transporteur de glace nommé Canterbury, dont les quelques survivants sont recueillis sur un vaisseau martien, mais sont d'abord persuadés d'être au coeur d'une déclaration de guerre de Mars à la Terre. En parallèle, un inspecteur ceinturien désabusé enquête sur Cérès à la recherche de la fille d'un des plus riches industriels de la Terre, soupçonnée d'avoir rejoint l'APE. Personne ne sait encore que ces deux histoires a priori sans lien vont se rejoindre autour de la "protomolécule", une substance mystérieuse découverte sur la lune de Saturne Phoebe, et que plusieurs groupes humains vont tenter d'utiliser à leur profit sans savoir - ou en tentant de ne pas y penser ? - qu'elle est l'instrument d'une ancienne civilisation détruite par un ennemi obscur, et qui poursuivait elle-même ses propres buts qui dépassent de loin l'humanité.

A partir de là, c'est le début d'une grande saga, entre guerres interplanétaires et découvertes inquiétantes liées à la protomolécule ou aux manières peu avouables qu'ont les humains de s'en servir. Il y a de l'action à revendre et il faut éviter de trop s'attacher aux personnages : derrière le pseudonyme de "l'auteur", James S.A. Corey, on trouve en fait deux écrivains de fantastique et de SF, Daniel Abraham et Ty Franck, dont le second a été l'assistant de George R.R. Martin, auteur du célèbre Game of Thrones, et qui a sans aucun doute subi l'influence de son mentor.

L'inspecteur Miller sera une des premières et des plus spectaculaires victimes...
Ce résumé très succinct s'applique à la fois aux livres et à la série. En effet, les auteurs des livres ayant participé à la supervision de la série, il y a finalement peu de différences au niveau de l'histoire de base et des personnages principaux. On constate cependant au fur et à mesure des déviations de plus en plus importantes au niveau des intrigues et des personnages secondaires. Certains d'entre eux font leur apparition plus tôt ou plus tard, meurent prématurément car il devient urgent de se débarrasser de leur interprète, ou présentent des différences importantes entre les livres et la série, voire sont carrément des fusions de deux personnages des livres, comme Camina Drummer qui, dans la série, occupe à la fois son propre rôle et celui de Michio Pa, ce qui lui confère une plus grande importance.

La saga, qui emprunte au space opera mais aussi au noir et à diverses influences, se construit de manière itérative en augmentant à chaque fois la taille et les enjeux des champs de bataille : si le début de l'histoire se concentre sur la guerre froide entre la Terre et Mars, celle-ci donne très vite l'impression d'être une "guéguerre" devant la menace de la protomolécule puis l'ouverture de portes interstellaires qui déplacent les batailles à une échelle de plus en plus grande. En réalité, ce qui change le moins au cours de l'histoire est l'humanité elle-même, qui passe de l'échelle interplanétaire à l'échelle interstellaire, mais reste une race de primates agressifs, ayant du mal à dépasser ses querelles d'ego ou à se remettre en question même face à la menace d'un ennemi puissant et dangereux.

L'histoire suit un condensé de cette humanité à bord du Rossinante, un ancien vaisseau de guerre martien dont l'équipage hétéroclite est composé de Terriens, de Martiens et de Ceinturiens dont le point commun (du moins au début) est d'avoir survécu à l'attaque du Canterbury et de vouloir faire la vérité sur les raisons de cette attaque qui leur a coûté leurs amis et leurs vies d'avant, mais qui va aussi les entraîner dans une aventure dont ils n'auraient jamais soupçonné l'ampleur. Propulsés un peu malgré eux au rang de symbole pour les uns et les autres, ils vont attirer l'attention des puissants et tenter d'en profiter pour amener le monde qui les entoure à un peu plus de justice et de vérité, même s'ils vont surtout devoir le sauver des multiples catastrophes qui le menacent. Au fur et à mesure de l'histoire, on se demande quelle sera la prochaine, et surtout comment vont réagir James Holden et l'équipage du Rossinante, qui semblent de plus en plus seuls et dépourvus face à l'immensité de la tâche, mais qui ne reculeront pourtant jamais devant l'idée de prendre des responsabilités pour éviter le pire au reste de l'humanité. Si James Holden peut apparaître un peu "tête à claques" au début (et le choix de l'acteur dans la série tend à renforcer cette impression), il évolue par la suite devant les conséquences de ses choix, suivi par son équipage, et c'est cette évolution que l'on suit en parallèle de celle de l'univers qui l'entoure.

James Holden et l'équipage du Rossinante sont les personnages principaux de The Expanse, mais il y en a un autre qu'il ne faut pas négliger : l'inspecteur Miller. Introduit dès le début de l'histoire sous la forme d'une quasi-caricature de détective de film noir, dépressif, alcoolique et suicidaire (c'est encore plus évident dans les livres ; dans la série, que ce soit dû à l'adaptation, au choix de l'acteur ou aux deux, il bénéficie d'un sex-appeal qu'il n'a pas dans les livres), il partage sa narration avec celle de Holden dans le tome 1, jusqu'à ce qu'il rencontre l'une des morts les plus apocalyptiques que j'aie jamais vues (assistant de l'auteur de Game of Thrones, j'ai dit). Sauf que la mort n'est parfois que le commencement, et une fois le sacrifice consommé, le fantôme de Miller (parfois renommé "L'Enquêteur") continuera de planer sur tout le reste de l'histoire, entre souvenir, symbole et anciens plans établis par une civilisation disparue. On se plaît même, au fur et à mesure de la lecture et plus particulièrement quand l'avancement des livres dépasse celui de la série, à chercher sa trace et à se demander s'il va revenir...

La fameuse mort apocalyptique illustrée sur la couverture du tome 1. Si vous n'avez pas encore vu la série, sachez que Netflix a lâché l'affaire au profit de Prime Video qui a produit les dernières saisons.

Bref, The Expanse, que ce soit la version littéraire ou la version vidéo, est une excellente série de science-fiction pleine de surprises, dont on ne parle pas assez à mon avis, et qu'à la suite de mon ami, je recommande à toute personne qui aime le space opera, les menaces alien indéfinissables, les films noirs et les sagas à couper le souffle. Cette lecture qui m'a occupée pendant plusieurs mois de 2023 après la visualisation de la série va laisser une impression durable, et bien réelle : quand j'étais au pic de la visualisation et de la lecture, un jour en entendant mes collègues arriver près de mon bureau en discutant fort et avec leurs accents marqués, j'ai vraiment cru un instant que c'était un groupe de Ceinturiens qui s'approchait de moi. Et le fait que l'un d'eux mesure 2 mètres n'a pas aidé à dissiper l'illusion...

Le principal défi pour 2024 va être de trouver de nouvelles lectures à la hauteur et capables de prendre le relai.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire