mercredi 11 février 2015

"Orgueil et Préjugés et Zombies" de Seth Grahame-Smith et Jane Austen

J'avais entendu parler il y a un moment déjà d'une réadaptation du célèbre Orgueil et Préjugés de Jane Austen sous le nom d'Orgueil et Préjugés et Zombies (en anglais Pride and Prejudice and Zombies), mais sans vraiment y penser, d'autant plus que je n'ai jamais lu l'original.
Jane Austen ne m'est pourtant pas totalement inconnue, puisque j'ai lu au moins son grinçant Northanger Abbey (également connu en français sous le nom de Catherine Morland). Je l'ai d'ailleurs bien apprécié pour la naïveté aussi risible que touchante de l'héroïne, qui ne connaît le monde qu'à travers les romans.
Portrait de Marcia Fox par William Beechey [domaine public] - Une version "zombifiée" de ce portrait illustre la couverture originale d'Orgueil et Préjugés et Zombies.

Bien sûr, je connais un peu l'histoire d'Orgueil et Préjugés comme tout le monde. J'ai même découvert en discutant avec mes collègues que l'un d'entre eux, pourtant peu porté sur la lecture, a lu Orgueil et Préjugés ; raison de plus pour que je m'y mette après la version "zombifiée".
Orgueil et Préjugés et Zombies est donc une adaptation par Seth Grahame-Smith, dont l'originalité est de conserver une importante proportion du texte original d'Orgueil et Préjugés tout en y intégrant parfaitement l'épidémie de zombies qui menace en permanence la campagne anglaise. Mr Bennet, dont le principal souci est désormais de "maintenir ses filles en vie", les a envoyées quelques années plus tôt en Chine, où un sévère maître Shaolin leur a enseigné les arts martiaux. Le décor est donc planté dès le début de l'histoire : Elizabeth Bennet et ses sœurs sont des guerrières, ayant toutes juré de défendre leurs terres contre les morts-vivants.
Mais la persistance du texte original donne lieu à quelques associations étonnantes. Ainsi, quand Darcy et les Bingley font devant Elizabeth le portrait de la jeune fille idéalement "accomplie", ils ajoutent à la connaissance de la littérature et des ouvrages de dames celle des arts martiaux. Le mépris de Lady Catherine de Bourgh, la tante de Darcy, pour Elizabeth n'est pas seulement dû à sa condition ou à la réputation de sa famille, mais aussi à son style de combat chinois alors que Lady Catherine tient en très haute estime le style japonais de Kyoto. La confrontation entre les deux femmes se fait d'ailleurs sabre à la main, dans le dojo personnel de Lady Catherine et avec l'intervention de ninjas à son service.
De même, Darcy s'oppose à l'union de Jane Bennet et de son ami Bingley parce qu'en plus du comportement déplorable de sa mère et de ses plus jeunes sœurs, il croit que la maladie de Jane est le premier symptôme du mal qui fera d'elle une zombie à terme. Si cela se révèle faux pour Jane, ce ne sera pas le cas de Charlotte Lucas, qui décide de lutter jusqu'au dernier moment contre le mal en ne pensant qu'à vivre les derniers mois d'humanité qui lui restent aussi normalement et heureusement que possible avec son nouvel époux, Mr Collins.
Elizabeth elle-même, qui a déjà la langue assassine dans l’œuvre originale, joint le geste à la parole dans Orgueil et Préjugés et Zombies, parlant sérieusement de poignarder Darcy pour l'affront qu'il lui a fait ainsi qu'à sa sœur Jane. Lorsqu'elle découvre par la suite à quel point elle s'est trompée sur son compte, elle n'hésite pas à s'infliger des cicatrices pour se punir de ses fautes comme le lui a enseigné son maître.
En bref, Orgueil et Préjugés et Zombies est une lecture rafraîchissante, qui ne changera pas ma vie, mais qui m'a fait passer un bon moment à imaginer les héroïnes de Jane Austen, sans doute un peu irrévérencieuses mais peu portées sur la bagarre apocalyptique dans l'original, confrontées à une invasion de morts-vivants. Peut-être devrais-je aussi me mettre à un autre roman dans la même veine, Raison et Sentiments et Monstres marins (en anglais Sense and Sensitivity and Sea Monsters) ?
En attendant, un film adapté du livre est prévu pour une date encore indéterminée de 2015. Les zombies n'ont pas encore fini d'envahir nos écrans (de cinéma et de liseuse)...
Matt Smith interprétera Mr Collins dans l'adaptation d'Orgueil et Préjugés et Zombies - Photo par Gage Skidmore from Peoria, AZ, United States of America [CC BY-SA 2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)], via Wikimedia Commons

dimanche 8 février 2015

L'instant steampunk

Je viens de finir un StoryBundle à thème steampunk que j'avais téléchargé il y a déjà un moment. (Il y a en ce moment d'autres StoryBundles qui me font les yeux doux, mais j'en ai encore un autre à lire avant de passer à la suite.)
Petit rappel : le steampunk, également qualifié en français de "futur à vapeur" voire de "rétro-futur", est un sous-genre de la science-fiction ou du fantastique (souvent à la croisée des chemins entre les deux) supposant que l'électricité et l'électronique telles qu'on les connaît ne se soient pas ou peu développées, et que la machine à vapeur, reine de la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle, soit toujours la technologie dominante.
Même si ce n'est pas toujours le cas, l'univers steampunk peut ajouter à l'uchronie une touche de "magie", ou une science ou une technologie improbable ayant émergé et éventuellement étouffé d'autres sciences qui auraient pu mener à un monde "normal". Ainsi, les Drifting Isle Chronicles ajoutent une île flottant au-dessus des nuages, et un mystérieux carburant surpuissant nommé "mercure noir" (black mercury) qui s'avère par la suite avoir des propriétés magiques. Dans Illumination Paradox de Jacqueline Garlick, des "illuminateurs" (illuminators), se rapprochant des premières machines de radioscopie, possèdent des propriétés bien plus extraordinaires que celles que l'on prêtait à la radioactivité au début du XXe siècle.
Le steampunk se caractérise également par une esthétique particulière et très reconnaissable, inspirée par Jules Verne et les auteurs de science-fiction de la même époque (comme le trop méconnu Albert Robida), où d'invraisemblables machines côtoient la mode et l'architecture de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Le steampunk pourra ainsi nous montrer une variante unchronique de l'exposition universelle de 1889 où aux pieds de la tour Eiffel, des dames en robe longue et des messieurs moustachus en smoking s'émerveilleront sur un "télectroscope" ou une "machine de Babbage" fonctionnelle... Le steampunk s'est même plus ou moins détaché de la littérature pour devenir une mode à part entière, proche du gothique et où prédominent des accessoires à base de laiton, de rouages d'horlogerie, de fluides colorés et d'énormes lunettes dignes des pionniers de l'aviation.
En bref, le steampunk est un monde à part, hors du temps, que tous les amateurs d'évasion devraient aller visiter... un peu plus qu'un instant.
Ordinateur steampunk - Par Lassmiranja (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons - http://www.steampunker.de
Chien-robot steampunk - Par Loz Pycock [CC BY-SA 2.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)], via Wikimedia Commons - J'ai un coup de cœur pour celui-là, puisque c'est une réinterpétation steampunk de K-9, le chien-robot de Doctor Who ;)