dimanche 30 septembre 2018

Lectures de septembre 2018

Réveillez-moi quand septembre sera fini, en attendant j'évite l'ambiance morose de la rentrée en lisant ces quelques livres :
  • The Curious Case of the Clockwork Menace - Bec McMaster
    • Anglais
    • Numérique - Téléchargé via le StoryBundle Summer Steampunk Bundle
Encore un Londres victorien alternatif, où, cette fois, la société est dirigée par les aristocrates "sang-bleu", sortes de vampires qui dominent l'humanité. Garrett et Perry sont aussi des "sang-bleu" mais pas des aristocrates, ils font partie d'une police spéciale, et leur enquête du moment est la disparition d'une jeune actrice qui était aussi la maîtresse d'un aristocrate. Les rapports ambigus de la jeune femme avec un prothésiste marron et "la menace mécanique" qu'il dissimule, un géant difforme et bardé de prothèses mécaniques, les entraînent d'abord sur de fausses pistes, facilitées par la tension sentimentale entre Garrett et Perry qui complique leur propre relation avant les révélations finales. Court, mais efficace, mais court.
  • Clockwork Alchemist: The Thief's Apprentice Book One - Sara C. Roethle
    • Anglais
    • Numérique - Téléchargé via le StoryBundle Summer Steampunk Bundle
Ahryen Croft est le "plus grand voleur" autoproclamé de tout Londres. Sa dernière mission est de récupérer les notes de Fairfax Breckenridge, un alchimiste aussi doué que discret, mais une fois sur place, il trouve l'alchimiste mort et rencontre Liliana, une automate qui prétend être la fille de Breckenridge et avoir une âme. Que ce soit vrai ou non, beaucoup de gens sont à la recherche des travaux de Breckenridge, et en particulier de ses notes qui contiendraient le secret de "l'âme" de Liliana. Elle et Ahryen vont se trouver pris en tenaille entre des savants fous sans scrupules et une organisation secrète qui contrôlerait les bas-fonds de Londres. L'histoire forme un tout, mais remplit son rôle de premier tome en donnant envie de connaître la suite.
  • The Books and Braun Dossier - Pip Ballantine & Tee Morris
    • Anglais
    • Numérique - Téléchargé via le StoryBundle Summer Steampunk Bundle
Révélation ! Les anciens dossiers du "Ministère des Événements Étranges" (Ministry of Peculiar Occurrences) sortent du secret et révèlent les origines de cette branche non-déclarée du gouvernement britannique créée par la reine Victoria pour lutter contre les phénomènes paranormaux menaçant l'Empire. Les agents Wellington Books et Eliza Braun, ainsi que d'autres spécialistes du paranormal, y enquêtent sur différents phénomènes et complots dans une série de nouvelles pleines de références à la pop culture contemporaine : si on pense d'abord à X-Files, on trouvera aussi Mad Max, SOS Fantômes ou même Maman j'ai raté l'avion. Si l'ensemble est plaisant, chaque nouvelle est un peu trop isolée par rapport au reste et laisse souvent un goût de "trop peu" sur la fin.
  • Star Compass - Anthea Sharp
    • Anglais
    • Numérique - Téléchargé via le StoryBundle Summer Steampunk Bundle
Née dans une famille noble, Diana Smythe a tout perdu dans un accident de calèche. Orpheline, recueillie par personne, elle doit se faire une place dans les bas quartiers de Southampton, en rêvant d'économiser assez pour se payer un aller simple vers une autre planète via le spatioport tout proche. Un rêve impossible si Diana n'était pas un génie des mathématiques capable de calculer la trajectoire de n'importe quel vaisseau. C'est dans le spatioport que son talent se révèle et fait basculer son destin, ainsi que celui de tous ceux qui gravitent autour d'elle, en premier lieu Derek Byrne, officier de police irlandais en apparence intègre mais qui cache un lourd secret. On se prend facilement à rêver des étoiles avec Diana, et les personnages secondaires, tous charismatiques à leur manière, font flotter un parfum d'aventure sur ce roman court.
  • Golden Heart: A Gaslight Fantasy - Christine Pope
    • Anglais
    • Numérique - Téléchargé via le StoryBundle Summer Steampunk Bundle
Riche mais orpheline, Lavinia Greene entretient une relation contrariée à distance avec son oncle Malcolm, jusqu'au jour où il la presse de le rejoindre dans un château roumain qui a tout de celui de Dracula. Elle y rencontre le troublant Joshua Jones au passé obscur, mais aussi le drame et le danger quand son oncle est assassiné. Ramenée saine et sauve en Angleterre par Joshua, elle voudrait l'attendre mais sans nouvelles, elle se fiance par lassitude au séduisant comte Richard, jusqu'à ce que tout bascule. Personne n'est ce qu'il semblait être, les monstres se révèlent mais les pires d'entre eux sont pourtant humains. Un étonnant croisement entre romance à la Jane Austen, espionnage et relecture du mythe du savant fou et de Frankenstein, qui fait s'attacher à l'histoire et aux personnages du début à la fin.

    samedi 29 septembre 2018

    De mon travail "officiel" et de l'écriture

    Je mène depuis que j'ai 21 ans (date à laquelle j'ai eu mon diplôme d'ingénieur et que j'ai commencé à travailler) une double carrière d'ingénieur en informatique et d'autrice de science-fiction et de fantastique. Même si on pourrait dire que cette seconde "carrière" n'a réellement commencé qu'en 2013 quand j'ai publié Alva & Eini sur Atramenta, je n'ai pas attendu ce moment pour écrire, et déjà en école d'ingénieurs, je passais du temps les soirs et week-ends à écrire Cyber-Arena, Les Anges maudits et même le premier jet du Don d'Osiris.
    Pour l'anecdote, quand j'ai commencé à travailler, je mettais un point d'honneur à séparer travail et vie privée en allant jusqu'à porter un "uniforme", c'est-à-dire un tailleur que je retirais quand je rentrais à la maison pour bien marquer que je n'étais plus au travail. La stratégie n'a fonctionné qu'un temps et j'ai fini par comprendre que je ne pourrais pas empêcher mon travail de s'inviter dans le reste de mon temps... ni le reste de mon temps de s'inviter dans mon travail.
    Un environnement dans lequel je reste immergée pendant une quarantaine d'heures par semaine, en plus d'être indispensable pour payer les repas et les factures parce que ce n'est pas avec mes pauvres gains d'autrice que je vais y arriver, a forcément une influence non négligeable sur ce que j'écris. Elle est plus perceptible quand je me lance dans des univers contemporains ou futuristes, bien entendu.
    Un des exemples les plus marquants est Duncan Blackthorne et l'Ange écarlate où une entreprise nommée TrendLearning.com est directement inspirée d'un de mes anciens employeurs, tout en se conformant aux codes des années 90 et du début de la vague des surfingnet.com. J'avoue qu'il n'était pas bien difficile d'en faire une entreprise servant de couverture aux activités d'un Arcane Mineur, quand l'original faisait tout pour convaincre qu'il était lui-même noyauté par une secte, notamment avec d'étonnants séminaires obligatoires à base de tests de personnalité sans guère de fondement scientifique. J'ai quitté cette entreprise peu avant de terminer l'écriture de Duncan Blackthorne et l'Ange écarlate, je vous laisse imaginer pourquoi.
    Plus près de nous, Dernière Course emprunte également à mon emploi actuel : sans donner trop de détails, je travaille pour une grosse entreprise américaine, dont la maison-mère a eu maille à partir avec des lois antitrust et des attaques en justice d'autres grandes entreprises, et nous a concocté à ces occasions une communication millimétrée où les disclaimers  à base de "ces propos n'engagent que la personne qui les a écrits et ne constituent pas un communiqué officiel de l'entreprise" devenaient plus longs que les messages eux-mêmes. Du pain béni pour imaginer la communication de Cyclope Systems et de leurs avocats.
    Mais dans le monde du travail, il n'y a pas que les entreprises elles-mêmes, il y a aussi les collègues. Dans un milieu geek comme l'informatique, on croise des personnages dans tous les sens du terme (et j'en suis probablement un à ma manière) et il est facile de s'inspirer d'eux pour peupler un roman ou une nouvelle. Un collègue a particulièrement la tête de l'emploi ? Il fera un excellent spécialiste de la programmation des cyborgs dans Dernière Course. Un autre a une manière particulière de parler ? Je m'arrête un instant sur une réplique en me demandant si elle rendrait bien en étant prononcée par lui. Un chef m'embête d'une manière ou d'une autre ? Pas de problème, un rôle de méchant ridicule sera taillé sur mesure pour lui.
    Parfois, plus simplement, quand j'ai du mal à cerner l'apparence physique d'un personnage, je n'ai qu'à chercher parmi mes collègues pour en trouver une et en faire ressortir facilement les traits principaux, et il n'y a pas besoin d'aller très loin pour trouver des exemples : c'est de cette manière que j'ai défini le gros de l'apparence d'Oliver Lloyd dans L'étrange affaire Nottinger. Il y a également gagné son prénom définitif, ayant commencé sa carrière avec celui de Cole.
    Malgré cela, la relation entre mon travail "officiel" et mon activité d'autrice est assez compliquée car avant tout, le premier prend du temps à la seconde, et surtout, pour reprendre une expression bien connue, du "temps de cerveau disponible", avec un très pénible effet de persistance : quand mon travail m'a bien pris la tête, il devient très difficile voire impossible de me remettre à l'écriture même avec la meilleure volonté du monde. Un grand nombre de séances d'écriture potentielles, ou parfois même d'idées dont le seul tort était de venir au mauvais moment, a fini dans le néant à cause d'un enchaînement de réunions trop pénibles ou d'une prise de tête d'un autre genre pendant la journée. Ne nous voilons pas la face, je m'en suis aussi vengée plus d'une fois en empruntant un peu de temps inoccupé à l'écriture d'un paragraphe de Dernière Course ou de La Légende de Thaalia. Mon activité d'écriture a aussi eu une influence un peu plus anecdotique et un peu plus étonnante sur mon travail : mes mots de passe sont inspirés (évidemment avec quelques ajustements) des titres de mes livres ou de mes projets en cours. Mes collègues n'étant pas très au courant de ces derniers, il leur est virtuellement impossible de deviner le mot de passe, et comme il est assez long, la méthode brute force n'est pas très efficace non plus.
    En conclusion, n'en déplaise à mon "moi" de mes débuts sur le "marché" du travail, mon emploi "officiel" et mon activité d'autrice sont intimement liés pour le meilleur et pour le pire, chacun des deux gagne quelque chose de l'autre et aucun des deux n'aurait tout à fait le même aspect sans l'autre. Sans écriture, mon travail serait d'un ennui mortel. Sans travail, mon écriture raterait quelques inspirations. Le tout est de savoir les faire cohabiter intelligemment et avec l'esprit ouvert.

    dimanche 23 septembre 2018

    "La Légende de Thaalia" : ça continue !

    Je n'avais pas donné de nouvelles de mes projets d'écriture depuis quelque temps, et c'est en partie parce que certains n'ont pas exactement pris la tournure que je pensais.
    La Légende de Thaalia, qui était censé être un petit conte sans prétention à écrire entre deux gros projets (comme la réécriture de Moortopia avant que cela ne tourne court), est en train de devenir une véritable novella avec à ce jour 26000 mots au compteur, et ce n'est pas encore terminé (même si cette fois, la fin est vraiment proche), un peu comme si cette histoire était une sorte de monstre doté d'une vie propre et qui décide de sa croissance, légèrement supérieure à ce que j'avais en tête. Le tout pour mon plus grand plaisir, car je constate ainsi que je n'ai aucune envie d'arrêter d'écrire, et c'est aussi ce qui me plaît dans l'écriture : ce moment où il n'y a plus besoin de "pousser" l'histoire et qu'elle commence à s'animer et à se mettre en place toute seule. Je souffre en ce moment d'un certain manque de temps qui me fatigue et m'empêche de me remettre tous les jours à La Légende de Thaalia, et c'est un soulagement de voir qu'elle avance aussi naturellement quand je m'y mets, c'est aussi un moyen de conserver ma motivation.
    Évidemment, avec le nombre de mots, c'est aussi le fond de l'intrigue qui s'est développé. Là où mon "plan" de départ se concentrait sur trois personnages principaux et pas grand-monde autour, les personnages secondaires ont pris progressivement de l'importance, comme la famille de Rubis ou le chef des gardes Zahir, qui a vu son passé et ses états d'âme s'étaler sur plus d'une page, alors qu'au début, il n'était guère qu'un nom et une silhouette.
    Sorun de Thaalia, le "méchant" de l'histoire, sans dévier d'un principe un peu basique du "neveu ambitieux et cruel", profite également de l'étoffement de l'histoire pour mieux détailler ses rapports conflictuels avec son oncle et sa volonté de le détruire complètement à son profit. Il y a vraiment peu de subtilité dans ce "méchant"-là, quand on le compare à d'autres que j'ai créés récemment, comme Jack Taylor dans Moortopia qui cherche à protéger la fortune et la réputation de sa famille mais finit par perdre l'une et l'autre, ou "Butch" Cassady dans Dernière Course qui est persuadé de combattre les injustices même s'il se trompe de combat. Mais peu de subtilité ne signifie pas peu d'intérêt, parfois les personnages simplement méchants sont exactement ce qu'il faut à un conte où la justice et l'amour finissent toujours par triompher.
    Une seule chose ne changera pas avec cette croissance imprévue : La Légende de Thaalia est une histoire sans prétention, que je ne compte pas proposer à un éditeur et qui sera publiée directement sur Atramenta. La date de cette publication est encore à déterminer et dépendra de quand j'écrirai enfin la fin de cette histoire. En attendant et faute d'avoir la fin, pour les impatient.e.s, voici comment ça commence, avec la participation de Quozio :

    samedi 15 septembre 2018

    Concours des 500 followers : encore 15 jours !

    Petit rappel : le concours des 500 followers, lancé à la fin du mois d'août, est toujours actif jusqu'au 30 septembre ! (et ce même si mon nombre d'abonnés a un peu fluctué au-dessous de 500 depuis l'annonce, mais je suis de nouveau au-dessus...)
    Il vous reste encore deux semaines pour tenter votre chance et peut-être gagner un exemplaire dédicacé de L'étrange affaire Nottinger rien qu'en me le demandant gentiment. Consultez l'article du concours pour en savoir plus, et n'hésitez pas à participer, il n'y a pas de mauvaise réponse même s'il n'y aura qu'un seul gagnant ! (j'aurais voulu qu'il y en ait plusieurs, mais je n'ai plus qu'un seul exemplaire à offrir...)
    Ma boîte à lettres n'est pas le TARDIS, mais elle devrait quand même pouvoir contenir tous vos messages ! - Par Flickr: https://www.flickr.com/photos/4nitsirk/ (https://www.flickr.com/photos/4nitsirk/4817957250/) [CC BY-SA 2.0  (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0)], via Wikimedia Commons

    mercredi 5 septembre 2018

    Face aux pirates, faudrait-il s'inspirer des jeux vidéo ?

    A l'ère d'Internet, des réseaux sociaux, du Wi-Fi et de la fibre qui se déploient un peu partout, le partage des fichiers se fait de plus en plus vite et il n'y a aucun média ni aucun artiste qui peut prétendre être à l'abri du piratage. Les livres et les auteurs pas plus que les autres avec la généralisation des livres numériques et des audiobooks.

    Face au piratage des livres numériques, il y a autant de manières de réagir qu'il y a d'auteurs et d'éditeurs, généralement plutôt négatives : n'oublions pas que pour les uns comme pour les autres, le livre est un gagne-pain. Certains tentent de s'en protéger en multipliant les DRM, solution dont je ne suis pas fan (et qui n'est pas le choix de mon propre éditeur) parce qu'elle pénalise surtout les utilisateurs de bonne foi, à la manière des messages anti-piratage culpabilisants sur les DVD qui manquent complètement leur cible puisque seuls les acheteurs du DVD vont le voir.
    Mais cette absence bienvenue des DRM ne signifie pas pour autant que j'ai une bonne opinion du piratage, au contraire. Plus on essaie de faire confiance aux gens, plus, en réaction, on est déçu s'ils trahissent cette confiance.
    Beaucoup défendent le piratage en disant qu'il s'agit de partage, moi j'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'être généreux avec les livres des autres. Oui, quelqu'un qui télécharge un livre dit à l'auteur "j'aimerais lire ton livre et que plus de personnes le lisent". Oui, mais il y a aussi une deuxième partie au message : "par contre on n'a pas envie de dépenser de la trésorerie pour ça". Pour l'auteur qui a investi des mois voire des années de travail dans un livre, et qui n'en tire souvent déjà pas beaucoup de revenus, cette partie-là est très difficile à bien prendre.
    J'entends que les lecteurs ne disposent pas d'un budget illimité, et on rêve tous (moi la première) d'un monde idéal où la culture serait disponible gratuitement pour tous, mais ce monde n'existe pas encore, et en l'attendant, pirater a peu de chances de le faire arriver plus vite. Au contraire, cela peut décourager les auteurs et éditeurs de continuer de travailler si leurs livres se téléchargent gratuitement plus qu'ils ne se vendent : j'ai déjà vu l'annonce d'une saga littéraire interrompue par l'éditeur car les piratages des premiers tomes étaient bien trop nombreux par rapport aux ventes.
    Sans vouloir faire culpabiliser les pirates (enfin, un peu quand même), il existe d'autres moyens d'accéder à des livres gratuitement ou à moindre coût, comme le marché de l'occasion, les prêts entre amis ou les bibliothèques (il y a d'ailleurs un exemplaire de L'étrange affaire Nottinger à la médiathèque de Sartrouville, c'est peut-être la seule bibliothèque à en avoir un mais je vous encourage à le consulter ou à l'emprunter là-bas si vous en avez l'occasion, en n'oubliant pas de le rendre, merci).

    Maintenant, que faire ?
    De tout ce que j'ai lu ou vu concernant le piratage, il y a une approche issue du monde vidéoludique que je n'ai jamais vue appliquée aux livres et qui, pourtant, à mon avis, aurait du potentiel : troller les pirates.
    La méthode n'est pas nouvelle : remontons en 1992, époque où le marché des ordinateurs se partageait entre PC DOS, Amiga et Atari et où, alors qu'Internet n'était pas entré dans les foyers, les disquettes copiées (je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...) se multipliaient allègrement pour distribuer des jeux aux amis, collègues et membres de la famille équipés.
    Les éditeurs de jeux le savaient, et beaucoup de jeux intégraient une "protection anticopie", qui consistait souvent en un écran où il fallait indiquer à quelle page du manuel du jeu se trouvait une image, un mot, un code (les manuels ne se diffusaient pas aussi vite que les disquettes, et si l'image était en couleurs et qu'il fallait distinguer des couleurs différentes, c'était encore mieux, la photocopie couleur n'étant pas disponible partout à l'époque). Selon le jeu, soit tout s'arrêtait après une mauvaise réponse, soit l'écran reposait des questions encore et encore jusqu'à ce qu'une bonne réponse soit donnée ou que l'utilisateur lâche l'affaire.
    Le jeu KGB sorti cette année-là par les Français de Cryo avait une tactique un peu différente destinée à piéger les pirates : en cas de mauvaise réponse, le jeu se lançait comme si tout était normal, on voyait apparaître la cinématique de début et les premiers écrans et dialogues. Sauf qu'au moment où le protagoniste rencontrait pour la première fois son supérieur, celui-ci, au lieu de lui expliquer sa mission, déclarait : "Vous êtes un espion, vous avez échoué aux tests de vérification d'identité du KGB !"
    ... et c'était le game over. Le seul moyen d'aller plus loin dans le jeu était de disposer du manuel, et tant pis pour les pirates qui espéraient jouer à moindres frais.

    Plus près de nous, les Australiens de Greenheart Games ont trollé beaucoup plus explicitement les utilisateurs ayant piraté leur jeu Game Dev Tycoon sorti en 2013. Personnellement, j'ai acheté ce jeu, et je recommande de le faire : pour la modique somme de 9.99$, le jeu est disponible sur toutes les plate-formes y compris Linux, contient pas mal de références vidéoludiques et d'easter eggs, et permet de se prendre pour un créateur de jeux vidéo (il n'y a pas de vrai développement, mais je suis sûre que vous prendrez du plaisir à créer des jeux aux noms évocateurs et à imaginer ce que donneraient des Brutal Kombat et autres Fatal Fantasy...).
    Pourtant, malgré cet excellent rapport qualité-prix, le jeu a été piraté massivement. Sauf que ses créateurs avaient prévu le coup et ont eux-mêmes organisé la fuite du jeu sur les sites spécialisés. Comme pour KGB, la version "pirate" de Game Dev Tycoon donne l'impression d'avoir le jeu en entier, tout se lance normalement et le jeu est exactement le même que la version payante...
    ... à un détail près.
    Quoi que fasse le joueur, à un moment donné le jeu commence à afficher des messages alarmants indiquant que les ventes baissent à cause du piratage, et ce jusqu'à ce que le studio fasse faillite faute de ventes. Et là encore, c'est le game over.
    Si certains pirates ont probablement compris le message et admis de s'être fait prendre, d'autres, en revanche, ont poussé le vice jusqu'à aller demander sur les forums du jeu comment éviter le problème du piratage, et même... s'il est possible de développer des DRM pour arranger cela ! Hé oui, il y a sans doute des partisans du partage au profit de tous chez les pirates, mais apparemment il y a aussi pas mal de petits égoïstes dont la devise est "j'arnaque mais je ne veux pas être arnaqué". La réponse des modérateurs à base de "si vous n'utilisiez pas vous-même une copie pirate de notre jeu, ça ne vous arriverait pas" a dû en faire rougir certains... L'histoire est disponible ici (en anglais).

    Bien sûr, les développeurs de jeux vidéo sont par définition plus versés en Internet et en piratage que la moyenne, mais pourquoi ne pas appliquer un principe similaire aux livres numériques ? Organiser une "fuite" qui couperait l'herbe sous le pied des vrais pirates et mettre en ligne sur les plate-formes habituées à la pratique une version truquée du livre ?
    Par exemple, de préférence au moment du plot twist de l'histoire, ou au beau milieu du passage le plus riche en suspense du livre, ou au début de la scène de sexe que tout le monde attendait (selon le type de livre), on pourrait imaginer une coupure brutale avec la mention "la suite est réservée à ceux qui achètent le livre et font vivre les auteurs", ou, en plus créatif, un personnage brisant le quatrième mur et demandant au lecteur de bien vouloir acheter le livre s'il veut que l'intrigue continue, ou un enchaînement abrupt sur une scène où l'éditeur doit annoncer à l'auteur que la publication doit cesser parce que les gens préfèrent télécharger illégalement le livre et qu'il n'est plus rentable. Pour un auteur, les possibilités sont infinies et ne requièrent pas beaucoup plus de travail. Et s'il venait à l'idée des pirates de s'en plaindre, ils seraient à peu près aussi crédibles (et bien vus) que des cambrioleurs reprochant à leurs victimes d'avoir remplacé la PlayStation rangée dans le salon par une coquille vide...

    C'est peut-être ma double casquette d'informaticienne et d'autrice qui m'influence ici, mais alors qu'on sait que le tout répressif ne fonctionne pas, je pense vraiment qu'il y a du potentiel dans cette approche plus ludique et plus originale que seulement brandir des menaces de sanctions qui tombent rarement dans la réalité. Dire "vous êtes libres de ne pas vouloir payer, mais dans ce cas attendez-vous à ne pas avoir l’œuvre complète et même un petit troll à la place" peut inciter les pirates (du moins ceux qui sont vraiment sensibles au discours sur le partage) à un peu plus de fair-play. Greenheart Games a eu les honneurs de la presse spécialisée pour sa méthode du "pirate piraté", et c'est en partie grâce à ce "buzz" que mon attention a été attirée sur Game Dev Tycoon et que j'ai fini par l'acheter.
    Dans le même ordre d'idées, la première maison d'édition qui trollera ouvertement les pirates de ses livres avec des copies trafiquées a toutes les chances d'y gagner l'attention du public et des médias. J'offre l'idée gratuitement, profitez-en. Pour la mise en place, je suis toute prête à discuter des modalités.
    Et n'oubliez pas, comme l'indiquait un autre jeu dans un avertissement au niveau de l'écran de chargement : "SPREAD THE WORD, NOT THE DISK" ("diffusez le message, pas la disquette") !
    Pirates à l'assaut des livres numériques, allégorie - Illustration de The Illustrated Sporting and Dramatic News, 1880 [Domaine public], via Wikimedia Commons

    Bonus : D'autres trolls anti-pirate dans les jeux vidéo (en anglais)

    samedi 1 septembre 2018

    BookPack 3.2

    Vous vous en doutiez peut-être, une nouvelle sortie c'est l'occasion de mettre à jour mon BookPack ! La version 3.2 contient ainsi En attendant demain dans tous les formats d'e-book habituels, ainsi qu'un petit changement dans les liens pour acheter mes livres. En effet, fin de contrat chez Atramenta oblige, Alva & Eini ne sera bientôt plus disponible en version papier (qui ne se vendait plus depuis 2014 de toute façon) mais uniquement en version numérique.
    Retrouvez-le dans les liens de la colonne de droite, ou directement ici !
    Et si vous voulez acheter Alva & Eini dans sa version papier avant qu'il ne devienne définitivement introuvable, faites-le vite, bientôt il sera trop tard !
    Bonne lecture, numérique ou non ! - Par Pink Sherbet Photography from USA [CC BY 2.0  (https://creativecommons.org/licenses/by/2.0)], via Wikimedia Commons