mardi 30 avril 2019

Lectures d'avril 2019

En avril, c'est fini, j'arrête de lire...
Non, c'est évidemment un poisson d'avril ! Même si le Camp NaNoWriMo et la réécriture de Dernière Course m'ont pris du temps, je ne me suis pas arrêtée, et voici ce que j'ai lu :
  • Des choses fragiles - Neil Gaiman
    • Français (traduit de l'anglais par Michel Pagel)
    • Papier
Nouvelles et poèmes en prose s'enchaînent dans ce recueil éclectique, de la traduction française de A Study in Emerald déjà lu en VO en janvier, à des nouvelles se rattachant à l'univers d'American Gods, en passant par How to Talk to Girls at Parties, et d'autres récits en tous genres et dans toutes sortes de mondes, y compris un univers à l'envers où la réalité est un monde gothique à base de loups-garous, de squelettes qui hantent littéralement les placards et de damoiselles en détresse, et où la littérature fantastique parle de banquiers et de problèmes de circulation. Le monde onirique de Neil Gaiman déploie ici avec art ses multiples facettes, un seul regret (pourtant bien rare avec cet auteur), c'est que l'ensemble est un peu trop mélancolique et laisse un drôle de goût amer ; mais n'est-ce pas le propre d'un bon livre de laisser des traces ?
  • Vingt maisons du zodiaque - Collectif (anthologie dirigée par Maxime Jakubowski)
    • Français (divers traducteurs, principalement Monique Lebailly pour l'anglais)
    • Papier
Vingt maisons du Zodiaque, ce ne serait pas un peu trop pour la tradition ? Tant pis pour les traditions, le but ici est de faire voyager avec de la science-fiction de tous les pays, chacun amenant sa culture et, en quelque sorte, son propre zodiaque. Critiques plus ou moins voilées du militarisme, du capitalisme ou de l'égoïsme humain à travers des univers futuristes ou absurdes, ces nouvelles nous emmènent dans de nombreux mondes inconnus, même si on a parfois du mal à comprendre où certaines veulent en venir, parfois trop elliptiques ou au contraire trop délayées.
  • La fin de l'éternité - Isaac Asimov
    • Français (traduit de l'anglais par Michel Ligny et Claude Carme)
    • Papier
Grâce à un champ de stase temporel, un gigantesque complexe nommé l’Éternité s'étend du 27e siècle à loin dans le futur, et s'est donné pour mission de protéger l'humanité. Simple "Technicien", Andrew Harlan n'est quand même pas n'importe qui, puisqu'il est le meilleur pour créer des "Changements de Réalité" rectifiant le cours du temps pour correspondre aux plans de l’Éternité. Sa loyauté sans faille bascule cependant quand il s'éprend de la belle Noÿs. Histoire d'amour impossible ? Pas seulement, car ce n'est que le point de départ d'un très ancien complot temporel qu'il va découvrir, et dont l'enjeu n'est rien moins que l'existence ou non de l’Éternité. Dans cette histoire, physique et métaphysique se confondent, avec en toile de fond une réflexion sur la légitimité de contrôler l'évolution de l'humanité, même avec les meilleures intentions du monde. Ni l'existence ni la fin de cette Éternité ne laissent indifférent tout au long du récit, ni le destin contrarié de ses habitants.
  • Les courants de l'espace - Isaac Asimov
    • Français (traduit de l'anglais par Michel Deutsch)
    • Papier
Sur Florina, une planète-colonie exploitée sans vergogne par un autre monde car il y pousse la fibre la plus précieuse de la galaxie, un homme qu'on croyait simple d'esprit se souvient de son passé. Il voulait avertir d'un danger extrêmement grave et sa mémoire a été effacée à cause de cela. Ce qui signifie qu'il y a des gens qui sont prêts à tout pour le faire taire, et ce ne sont pas forcément ceux qu'on croit. Les colonisateurs qui ne tiennent pas à ce qu'on apprenne qu'ils pourraient perdre la source de leur richesse ? L'empire galactique qui aimerait bien voir ces mondes tomber dans son giron ? A moins qu'il n'y ait encore autre chose pour mettre un grain de sable dans la machine ? Le titre est un peu trompeur car les "courants de l'espace" ne sont réellement mentionnés qu'à la fin : l'important est de savoir ce que fait chacun des protagonistes d'une information qui peut devenir une arme redoutable.
  • L'étoile et le fouet - Frank Herbert
    • Français (traduit de l'anglais par Guy Abadia)
    • Papier
La galaxie entière est à la recherche de la dernière représentante des Calibans, la mystérieuse espèce qui contrôle les couloirs "S'Oeil" permettant de se déplacer instantanément d'une planète à l'autre. Si elle disparaît, cela pourrait signifier la mort de tous les êtres ayant emprunté les couloirs ne serait-ce qu'une fois. Problème : Mliss Abnethe, la femme la plus riche et la plus puissante de la galaxie, a décidé de faire flageller à mort la dernière Calibane, et il semble que rien ne puisse s'y opposer. Autre problème : il est extrêmement difficile de communiquer avec la Calibane, et encore plus de comprendre ce qu'elle est réellement. Une histoire complexe où on avance dans les ténèbres avec les personnages principaux, avec en guise de fil rouge une réflexion sur les difficultés que peut poser le défi de se comprendre entre espèces différentes, même dotées d'une intelligence similaire.
  • Chants de la Terre lointaine - Arthur C. Clarke
    • Français (traduit de l'anglais par France-Marie Watkins)
    • Papier
Condamnée par la transformation du Soleil en nova à quitter la Terre ou disparaître, l'humanité a essaimé pendant plusieurs générations sur d'autres planètes. Quand l'un des derniers vaisseaux en partance pour les étoiles fait escale sur Thalassa, l'une des premières planètes "ensemencées", les retrouvailles sont émouvantes et l'amour est au rendez-vous. A tel point que certains envisagent de ne plus repartir, quitte à forcer le destin, tandis que d'autres font des découvertes qui remettent en cause leurs croyances ou leur bonheur. Peu de véritable histoire ici, cependant, c'est surtout l'humanité qui est mise en scène, avec ses regrets, ses faiblesses mais aussi sa noblesse et sa diversité.

dimanche 7 avril 2019

Un PEGI des livres ?

J'ai vu passer un tweet demandant s'il était souhaitable de mettre des "TW" sur les livres numériques. Un "TW" alias "trigger warning", courant sur Twitter, consiste à indiquer au début d'un tweet s'il inclut certains types de contenus susceptibles de choquer les personnes sensibles, par exemple si cela a trait au viol, à la maltraitance animale ou d'autres formes de violence.
Plus généralement, il pourrait être possible d'envisager un classement comme celui du PEGI (Pan-European Game Information) qui existe déjà sur les jeux vidéo, où sont indiqués non seulement un âge minimal recommandé, mais aussi différents types de contenus sensibles présents dans le jeu. Si on oublie les contenus liés au jeu en ligne qui ne sont pas franchement pertinents pour un livre, PEGI recense les types suivants :
  • Violence - inclut toutes sortes de scènes de violence physique ou verbale, modérée ou non-réaliste pour les jeux destinés aux enfants, explicite voire gore pour les jeux déconseillés au moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans.
  • Langage grossier - contient des insultes ou des grossièretés modérées à crues, avec possibilités d'insultes à caractère sexuel dans les jeux déconseillés aux moins de 16 ans ou au moins de 18 ans.
  • Peur / Horreur - inclut des scènes considérées comme effrayantes ou perturbantes, sans nécessairement être violentes, cela peut être la présence de monstres voire d'animaux effrayants comme l'araignée représentée sur l'icône.
  • Nudité / Sexe - inclut des scènes de nudité partielle ou totale, ou des scènes sexuelles, soit de simples allusions, soit explicites pour les jeux déconseillés aux moins de 16 ans ou au moins de 18 ans.
  • Drogues - inclut des scènes montrant l'usage de drogues ou de produits stupéfiants.
  • Jeux de hasard - inclut des scènes montrant voire enseignant des jeux de hasard.
  • Discrimination - inclut des scènes de discrimination basées sur le genre, l'ethnie, la sexualité etc. Réservé aux jeux déconseillés aux moins de 18 ans.
Les icônes PEGI telles qu'elles apparaissent sur les jeux vidéos.

Si je parle de PEGI, c'est pour plusieurs raisons : d'abord parce que vivant en Europe, c'est le système que je connais le mieux, ensuite parce que ces différents types de contenus sensibles ont des points communs avec la notion de TW, et enfin parce qu'InLibroVeritas  où je publie certains textes a fait le choix d'inclure un système "PEGI-like" pour classer ses œuvres. En créant un nouveau livre sur le site, l'auteur est invité à choisir un âge minimal recommandé et à cocher, le cas échéant, la présence de différents types de contenus correspondant aux catégories indiquées ci-dessus. L'âge et les contenus sensibles apparaissent alors à côté du texte sous forme d'icônes similaires à celles de PEGI, libre aux lecteurs et lectrices de poursuivre la lecture en fonction des avertissements : par exemple "horreur + 18" contiendra des scènes gore explicites qui peuvent être difficilement supportables, "sexe + violence" aura des chances de contenir des scènes de viol, a fortiori si l'âge indiqué est 16 voire 18, etc.)

Jusque-là, on a appliqué ces classements aux jeux vidéos ainsi qu'aux films et aux séries (avec seulement l'âge pour ces derniers) mais pas aux livres, ce qui ne signifie pas forcément qu'on ne devrait pas le faire. Après tout, les livres sont déjà plus ou moins classés en catégories selon les tranches d'âge, même si cette catégorie a tendance à être considérée comme, au contraire, l'âge maximal recommandé ("quoi, tu as 35 ans et tu lis du YA ?")
Les contenus sensibles sont sans doute considérés comme moins perturbants dans les livres car (à condition qu'il n'y ait pas d'images) ils y sont souvent racontés plus que montrés, et l'impact réel dépend aussi de la capacité du lecteur à restituer les images dans sa tête. Cependant les sensibilités sont multiples, et il peut arriver qu'un passage, a priori innocent mais ressemblant un peu trop à une situation traumatisante déjà vécue, fasse remonter cette dernière à la surface.
Il me semble donc qu'on ne peut pas mettre des TW précis sur tout, justement de par la multiplicité des sensibilités et des types de traumas. Si on prend deux types de contenu sensible, une personne 1 pourra fortement réagir à l'un et n'avoir qu'une vague indifférence pour l'autre, alors que ce sera complètement l'inverse pour une personne 2. Passe encore s'il n'y a que deux types, mais s'il faut détailler tous les traumas possibles, on arrive rapidement à des dizaines de combinaisons, et même avec la meilleure volonté du monde, on ne pourra pas penser à tous les lister.
Cependant des catégories plus générales comme celles de PEGI ne me semblent pas ingérables, et permettent déjà d'offrir des avertissements permettant aux personnes sensibles, ou tout simplement ne souhaitant pas s'infliger des scènes qu'elles considèrent comme désagréables, d'éviter une situation inconfortable voire pire. Lire doit rester un plaisir, et il n'est pas non plus agréable pour un auteur (sauf peut-être pour le Marquis de Sade, donc toutes les œuvres sont classées d'office "Sexe + Violence + Langage grossier + 18") de découvrir que son dernier livre a envoyé un lecteur en thérapie.
De toute façon, ce type d'avertissement ne sera jamais qu'une recommandation, et tout vendeur de jeux vidéo a une histoire à raconter avec un parent achetant un jeu comme GTA pour son fils de 6 ans. Auteurs et éditeurs peuvent avertir du mieux qu'ils peuvent, à la fin ce sont les lecteurs qui décident, si possible en pleine connaissance de cause.