samedi 30 novembre 2019

Lectures de novembre 2019

Contrairement à ce que j'avais annoncé en octobre, je n'ai pas fait le NaNoWriMo en novembre, préférant me concentrer sur d'autres projets comme les nouvelles aventures de l'Alchimiste. Ce qui m'a aussi laissé du temps pour lire tout cela :
  • Bug-Jargal - Victor Hugo
    • Français
    • Numérique
L'histoire d'une révolte d'esclaves à Saint-Domingue (futur Haïti) à la fin du XVIIIe siècle, vue par un colon blanc qui croit perdre dans l'affrontement la seule chose qui compte pour lui, sa fiancée Marie. Au cœur du conflit, il parvient à se lier d'amitié avec l'un des chefs de la révolte, Bug-Jargal, son ancien esclave que les autres meneurs n'apprécient guère. Le ton condescendant envers les noirs trahit le point de vue de l'auteur qui s'exprime par des notes de bas de page, mais des questions toujours d'actualité se posent quand même : faut-il faire preuve d'autant de cruauté que les oppresseurs au risque d'être vu comme ne valant pas mieux qu'eux, ou être modéré au risque d'être écrasé à la fois par ses adversaires et les radicaux ? Un individu peut-il être tenu responsable des agissements d'un peuple ("ce n'est pas moi qui t'ai fait ça, ce sont les miens" disent-ils tous les deux) et jusqu'à quel point l'ignorance peut-elle être une excuse ?
  • Shamanka, la magie est partout - Jeanne Willis
    • Français (traduit de l'anglais par Eric Chevreau)
    • Papier - Reçu via la box OnceUponABook d'octobre 2019
Sam est une orpheline pas comme les autres. Elle vit chez sa tante maltraitante et alcoolique telle une Cendrillon, sa meilleure amie est un orang-outan et son père, apparu dans une hallucination, serait le fils d'un sorcier africain en voyage initiatique. Ayant découvert les notes de ce père absent, Sam part à sa recherche, et croisera en route toutes sortes de personnages très particuliers, qui tenteront de lui démontrer que la magie existe, ou l'inverse. L'univers est onirique voire absurde, la narration très particulière rend l'immersion assez difficile et destine plutôt le livre aux adolescents voire aux enfants, qui apprécieront sans doute aussi l'explication de quelques "trucs" de magicien et autres astuces plus ou moins liées à la magie et à l'illusion.
  • American Gods - Neil Gaiman
    • Français (traduit de l'anglais par Michel Pagel)
    • Papier
Nouveau carton plein pour une œuvre de l'excellent Neil Gaiman, adaptée en série sur Amazon Prime. Plus de détails sur l'article dédié.
  • Revelation of the Daleks - Eric Saward
    • Anglais
    • Papier
Le Docteur et sa compagne Peri débarquent sur Necros, une petite planète dont la principale activité est le complexe funéraire "Tranquil Repose", qui se targue d'organiser les enterrements les plus prestigieux de l'univers, mais aussi de conserver les mourants en hibernation en attendant que l'on découvre un moyen de guérir leur maladie. Tout semble pour le mieux jusqu'à ce qu'on découvre que le "Grand Guérisseur" (Great Healer) qui dirige le complexe n'est autre que Davros, et qu'il a insidieusement transformé le complexe en une gigantesque usine de production de nouveaux Daleks plus forts et plus intelligents (?) que les précédents. Cependant les jours de Davros semblent comptés : les autres têtes pensantes du complexe voudraient éliminer leur trop encombrant dirigeant, et même certains Daleks le considèrent comme un criminel. Le Docteur et Peri se retrouvent au milieu des assassins et des pilleurs de tombes, et devront empêcher le réveil des Daleks pour survivre. Toutes sortes de personnages secondaires assez caricaturaux, et dont les motivations ne sont pas toujours bien définies, les aideront ou leur feront obstacle, pour une aventure riche en suspense et qui tente de renouveler les méchants les plus "classiques" de Doctor Who.
  • Waylander - David Gemmell
    • Français (traduit de l'anglais par Alain Névant)
    • Papier
Le roi de Drenaï est mort et le royaume fragilisé est la proie de ses ennemis Vagrians. Les derniers officiers et soldats se battent en essayant de garder la foi dans leurs divinités et dans leurs héros, mais il faudrait un miracle pour leur accorder la victoire. Ce miracle, c'est peut-être Waylander, l'assassin errant, qui le réalisera en retrouvant l'armure légendaire du roi Orien, le symbole qui redonnerait l'espoir à tous. Sauf que Waylander est aussi celui qui a tué le roi et déclenché toute cette guerre. De son côté, lui qui se voyait comme un tueur froid sauve un prêtre, une femme et des enfants, et se rappelle qu'il a été autrefois un homme qui n'aspirait qu'à vivre en paix. L'évolution des personnages est intéressante bien que pas toujours cohérente, mais il y a énormément de clichés de fantasy trop évidents, et certains personnages s'intègrent mal à l'histoire principale.

vendredi 22 novembre 2019

"American Gods" de Neil Gaiman

A quoi reconnaît-on un grand auteur ? Au fait que ses livres ne laissent pas indifférent. On peut dire beaucoup de choses sur les œuvres de Neil Gaiman, mais jamais "passez votre chemin, aucun intérêt".
American Gods est l'une de ses œuvres phares, qui a eu le privilège d'être adaptée en série sur Amazon Prime tout comme Good Omens qu'il avait co-écrit avec le regretté Terry Pratchett. Et là, contrairement à Good Omens, la série ne divulgâche pas le roman : les histoires sont basées sur le même principe et commencent de la même manière, mais évoluent différemment.

Revenons à ce principe. Les États-Unis sont une terre d'immigrants (quoi que puissent en dire certains politiciens) et ces gens venus plus ou moins volontairement de différents pays d'Europe, d'Asie ou d'Afrique ont apporté avec eux leurs coutumes, leurs croyances, leurs dieux et leurs créatures mythologiques ou folkloriques. Mais toutes les civilisations évoluent, et les Américains ont désormais de nouveaux dieux modernes comme la technologie, les médias, les automobiles... Les anciens dieux en sont souvent réduits à vivoter, tenaillés entre l'envie de ne pas se faire oublier (car un dieu qui n'a plus d'adorateurs est condamné) et celle de rester discrets car la rumeur dit que les nouveaux dieux ont l'intention d'en finir avec eux une bonne fois pour toutes.
C'est à ce moment qu'intervient Ombre (Shadow en version originale), un colosse récemment libéré de prison et qui ne retrouve le monde extérieur que pour faire le deuil de sa femme Laura. N'ayant plus d'attache, il accepte de travailler pour "M. Voyageur" (ou "Mr Wednesday" en version originale), un escroc borgne qui prétend être le dieu nordique Odin et rassembler les dieux éparpillés aux États-Unis pour faire face à la menace des nouvelles divinités. Le croyant d'abord fou, Ombre est rapidement amené à rencontrer d'autres dieux et autres créatures de différentes mythologies, et à douter de tout. D'autant plus que les nouveaux dieux connaissent son existence et estiment qu'il représente une terrible menace, et vont tenter de l'écarter du chemin. Même sa femme Laura n'a pas pu trouver le repos éternel, et erre désormais comme un zombie à sa recherche.

Comme dans sa série graphique Sandman, Neil Gaiman joue avec différentes mythologies et différents folklores et fait interagir le monde "réel" et les créatures fantastiques qui s'y cachent, d'une manière qui rappelle aussi Neverwhere mais aussi le jeu de rôle Nephilim. Le tout donne un mélange étonnant, mêlant narration très contemporaine et onirique, où les personnages (et le lecteur avec eux) ont du mal à distinguer où finit la réalité et où commence le rêve ou même la folie. On est tout à la fois dans une ancienne saga nordique, dans un road-movie désabusé et imbibé de drogues comme chez Jack Kerouac, et parfois dans une histoire à la Stephen King, où une petite ville tranquille où tout le monde est gentil cache un redoutable monstre.
C'est peut-être le but de ce point de vue à la fois à ras de terre, où ni le sexe ni la violence ne sont édulcorées, et au firmament des dieux encore en quête de gloire : se plonger dans une autre dimension et se rappeler que les contes ou les légendes peuvent avoir l'air de simples histoires pour enfants, mais qu'ils constituent souvent le fondement d'une vie ou d'une civilisation.
Comme dans certains récits mythologiques nordiques, Odin se déguise en vagabond pour arriver à ses fins dans "American Gods" - Artiste inconnu, vers 1914 [Domaine public], via Wikimedia Commons