Cela faisait longtemps que je n'avais pas consacré un article à un livre en particulier. Le serpent de mer refait surface en 2018 avec Black House (connu en français sous le nom de Territoires), publié en 2001 par deux pointures du roman fantastique d'horreur : Stephen King et Peter Straub.
La manière dont j'ai reçu ce livre est particulière en soi, puisqu'il m'a été envoyé par un ami texan qui connaît bien mon amour de la lecture : il m'avait déjà envoyé, quelques mois plus tôt, Billy Straight de Jonathan Kellerman qui a fait partie de mes lectures d'octobre 2017.
Avec ça et les StoryBundles, je suis plutôt rompue à la lecture en anglais, mais j'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le roman qui a une manière assez bizarre d'introduire la ville et sa situation. Certes, ça fait sentir que la situation elle-même est bizarre, mais il m'a fallu, du coup, d'assez nombreux chapitres pour accrocher pleinement à l'histoire.
Une histoire dotée de nombreuses ramifications, mais qui tourne (même si ce n'est pas évident au début) autour de Jack Sawyer, ex-inspecteur de la police criminelle californienne, fils d'une célèbre actrice de westerns de série B, et désormais retiré de la police pour s'enterrer dans une petite ville perdue du Wisconsin nommée French Landing. Jack est un solitaire, et parmi ses rares amis, on trouve Dale Gilbertson, chef de la police locale, et l'oncle de ce dernier, Henry Leyden, DJ et animateur radio aveugle mais doté d'une ouïe et d'un sixième sens exceptionnels.
Le héros étant présenté, vient le tour du méchant, dont les exploits sont en réalité rapportés avant que le héros n'apparaisse : il s'agit d'un tueur en série nommé "The Fisherman", responsable de la mort atroce de plusieurs enfants. Quand le corps de la troisième victime est retrouvé et qu'un quatrième enfant est enlevé, Dale Gilbertson et Henry Leyden font tout pour convaincre Jack de participer à l'enquête, et alors qu'un journaliste fureteur nommé Wendell Green leur pose quelques problèmes, Jack commence à comprendre que tout est lié aux "Territories", un monde parallèle qu'il a le pouvoir d'atteindre et qui n'est pas étranger à sa nature de solitaire. Autrement dit, s'il veut avoir une chance de retrouver la dernière victime vivante, il va devoir enquêter à la fois dans la "réalité" et dans les "Territories", et franchir une porte vers les mondes les plus sombres, matérialisée par une maison nommée "Black House" qui semble dotée d'une volonté propre pour repousser les visiteurs indésirables.
C'est d'ailleurs là la grande subtilité de Black House, où les auteurs prennent parfois un malin plaisir à semer le doute dans l'esprit du lecteur et à le faire se demander si on est toujours dans la réalité ou déjà ailleurs ; ils mettent d'ailleurs continuellement en garde contre le "slippage", ou le fait de glisser d'un monde à l'autre, un risque omniprésent à French Landing. Cependant, cela donne aussi un peu de "flou" au personnage de Jack Sawyer, qui s'est déplacé et se déplace toujours entre les mondes (d'où le surnom de "Travelin' Jack" que lui donnent certains personnages au courant de ses capacités). Il apparaît avant tout comme un écorché vif qui a toujours du mal à admettre la mort de sa mère et qui craint de retourner vers les "Territories" dont il n'a pas que de bons souvenirs.
Mais Jack a beau être un solitaire, il n'est pas seul. C'est même toute une galerie de personnages souvent hauts en couleurs qui l'entourent. Dale Gilbertson, le chef de la police, désire faire triompher la justice à French Landing en commençant par arrêter le "Fisherman", mais il déplore d'être entouré d'une équipe de bras plus ou moins cassés et d'avoir sur le dos les agents Brown et Black, véritables caricatures de G-Men. Parmi les soutiens de Jack, on compte aussi Armand "Beezer" St. Pierre, père d'une des premières victimes, et son gang de bikers-brasseurs au grand cœur, à la fois impressionnants et attachants, les "Thunder Five".
Je décerne une mention spéciale à Henry Leyden, alias George Rathbun, alias Henry Shake, alias Wisconsin Rat, alias Symphonic Stan, les multiples personnalités (toutes sympathiques à leur manière) qu'il est capable d'adopter pour les radios qu'il anime. Aveugle de naissance, il ne voit rien mais devine tout, comme l'illustre sa réplique favorite : "Even a blind man can see that", "même un aveugle peut voir ça". L'autre paradoxe à son sujet est que son auditoire est également aveugle à sa manière : tout le monde l'entend à la radio, mais peu de gens savent mettre un visage sur ces voix. Henry préfère garder pour ses amis proches sa vraie personnalité, celle d'un gentleman à l'élégance surannée, dégageant un charme discret et une grande gentillesse, et une envie de justice aussi grande que celle de son neveu Dale, qui lui vaudra malheureusement d'attirer sur lui l'attention du "Fisherman".
Tout n'est en effet pas rose à French Landing, mais il ne fait pas bon non plus y être méchant "à moitié", comme peuvent en témoigner Wendell Green, reporter en mal de scoop qui accuse Jack et la police de protéger le tueur, ou "Chipper" Maxton, directeur de maison de retraite qui arnaque à la fois ses résidents et les assurances vieillesse : tous deux découvriront très douloureusement que contrairement à ce qu'ils croyaient, ils ne contrôlent pas tout et il y a vraiment des choses qui les dépassent. Le lecteur lui-même se laisse facilement dérouter par un mystérieux narrateur pas tout à fait neutre, qui prétend toujours nous ménager pour mieux nous faire retomber dans l'horreur.
Black House, c'est un grand festival du roman horrifique à l'américaine comme Stephen King sait si bien en faire, avec l'aide de son confrère et ami Peter Straub. A lire absolument si vous aimez vous égarer dans les petites villes perdues des États-Unis qui cachent de lourds secrets.
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